Manuel du Gongpa Zanthal par Tülku Tsurlo, I
L’ornement de la Pensée des
vidyâdhara
qui comble les aspirations des êtres fortunés
Manuel qui condense le sens intentionnel du Gongpa
Zangthalqui comble les aspirations des êtres fortunés
par
Tülku Tsurlo (début XXe siècle)
Traduction inédite de Stéphane Arguillère
Tülku Tsurlo (début XXe siècle)
Traduction inédite de Stéphane Arguillère
[J’adresse mon hommage à] la grande connaissance principielle (ye-shes) adamantine, vaste vacuité de l’Elément Réel (chos dbyings), qui est une essence dont l’étendue est inclusive ;
Dont l’éternel avènement, spontanément établi, et qui en soi se produit pour soi (rang-byung), emplit l’espace, a la forme de l’espace.
[Au] Corps de juvénile introversion, clarté intérieure où l’Elément et les apparences [ou les visions] sont sans dualité,
[Qui n’est autre que] l’Éveillé primordial, l’Excellent-à-tous-égards (Samantabhadra), qui toujours siège sur le lac aux lotus au centre de [mon] cœur ;
[À] Ts’ogyal, mère des Vainqueurs, exempte d’élaboration et non-née,
[Et à vous,] Thötrengtsal, clarté naturelle illimitée,
Corps de compassion impartiale, conjonction d’Intelligence et vacuité,
[Notre] seul père, victorieux Padmasambhava, indissociabilité des trois Corps,
[Au] grand Vidyâdhara, Gödemchen,
Suprême diadème des myriades de découvreurs de trésors dénués d’égarement,
[Lesquels sont] l’infini déploiement dansant de la connaissance principielle du Guru,
Bien advenus comme splendeur du Champ doué de fraîcheur, [à tous ceux-là,] j’adresse mon hommage.
[À vous qui,] ayant parfaitement accompli la connaissance principielle selon les préceptes dispensés par ces [maîtres],
Et qui accordez aux [disciples] qualifiés le trésor de nectar des [instructions] profondes et vastes,
[À vous,] doués d’habileté dans les expédients et dont l’Activité surgit avec éclat,
Assemblée de la lignée des fils [du cœur], disciples [de ces maîtres], je vous rends un respectueux hommage.
Je m’incline devant les maîtres pleins de bonté, qui, magnanimes, accordèrent
Aux [disciples] fortunés qu’ils gardaient dans leur cœur
La Grande Complétude, véhicule suprême,
Cette quintessence du sens essentiel des préceptes, synthèse de [tous] leurs points clefs vastes et profonds.
La Grande Complétude est le pic souverain des neuf véhicules, la quintessence du cœur des trois maîtres vidyâdhara, la sublime trace [laissée par le passage] de nombre de princes des adeptes d’autrefois, que, pour mes hôtes bienheureux, je vais élucider ici.
Or donc, [ce qu’il s’agit d’expliquer] ici est la quintessence de tous les enseignements, la cime souveraine de tous les systèmes philosophiques, le roi de tous les tantra, ce qui fait le fond de toute l’Ecriture, les plus profonds de tous les préceptes, la source d’où procèdent tous les véhicules ; [de plus, il s’agit de] l’essence du cœur de tous les systèmes philosophiques du Dzogpachenpo de claire lumière [lui-même], qui condense la substance des points-clefs des instructions cruciales.
Cette rubrique du Dharma est l’insurpassable [enseignement] archi-secret, qui surpasse toutes les autres rubriques de l’“esprit” (sems-sde), de la “sphère” (klong-sde) et des “instructions cruciales” (man-ngag-sde) ; elle condense en une seule [série d’enseignements et de pratiques] la substance du cœur des trois maîtres vidyâdhara.
C’est l’Idée de Samantabhadra — Corps de Réalité — , révélée sans occultation, mais d’une manière transparente et directe, [par ces préceptes], guidant promptement et aisément les individus qualifiés (skal-ldan) jusqu’au niveau d’un buddha.
En me fondant sur le Manuel fondamental (khrid gzhung), transmission orale du grand [maître] d’Oddiyâna à propos de la perception directe de la Réalité , et sur la Transmission orale du sens exact, et complétant ces deux [textes avec des éléments] tirés par exemple de la Grande transmission orale de Vimalamitra, des Trois clous et de la Transmission orale de Vairocana, j’en ai fait la synthèse et j’ai composé ce manuel [afin d’en] résumer les éléments.
[Il y a trois manières d’enseigner le Gongpa Zangthal] : les dispenser sous la forme d’instructions essentielles directes de pratique (dmar-khrid) ; les accorder dans le style de la confrontation (ngo-sprod) ; et les accorder comme à un hôte de passage, comme on les confère à ses fils et neveux (mgron-po la brgal-ba tsha-sprugs su gdab-pa). Ayant ramené les deux dernières à la première, je vais enseigner sous la forme d’un guide pratique.
Il y a trois points : (1) tout d’abord, pour jeter les fondations de la pratique, la vertueuse préparation ; (2) puis l’explication principale de la pratique, [laquelle constitue] la partie principale vertueuse ; (3) et enfin l’explication de la manière de procéder au moment de la vertueuse conclusion.
Première partie : de la préparation
Tout d’abord, la préparation est exposée au fil de huit dharma, à savoir : (1) les caractéristiques
du destinataire de cet enseignement ; (2) les caractéristiques du lieu où l’on méditera ; (3) définir les points-clefs des moments ; (4) les caractéristiques des compagnons [de pratique] et (5) de
l’équipement matériel , [ou] comment méditer [= dans quelles conditions] ; (6) comment on est introduit aux instructions de méditation ; et pour cela, les histoires ordinaire et extraordinaires du
Dharma sont présentées ; et en ce qui concerne les instructions du Dharma extraordinaire, il y a (7) la consécration mûrissante et (8) les préceptes pratiques libérateurs, ce qui
[au total] fait huit.
Premier chapitre : les qualités du disciple
Tout d’abord, il est important de vérifier [la valeur du] “réceptacle”, autrement de celui à qui ces
instructions les plus fondamentales [de toutes] vont être imparties.Ce Dharma est le point culminant des huit véhicules, l’Idée ultime du grand Buddha Vajradhâra. Si donc il était enseigné à un auditoire impropre, cela occasionnerait des obstacles tant pour le maître que pour les disciples : [tous] tomberaient en enfer. Il en va par exemple comme du lait de lionne, substance excellente, qui [ne] doit être versé [que] dans un vase d’or. Versé dans tout autre récipient trivial, il le briserait et serait lui-même perdu [en se répandant]. Mais si, une fois le “réceptacle” examiné, le disciple [s’avère] être qualifié, il faut lui enseigner [ce Gongpa Zangthal].
Mais, se demandera-t-on, qu’est-ce donc qu’un réceptacle convenable ? — Définissons donc le disciple qualifié.
Non seulement le Manuel fondamental (khrid gzhung) de la perception directe de la Réalité mais également L’essence de joyau des instructions de Padma présentent les caractéristiques du [bon] réceptacle en dix-neuf [points], sans autre différence que purement verbale.
(1) Grande est sa foi ; il vénère le Dharma ; (2) son courage est grand : il fait effort dans la pratique ; (3) comme son discernement est grand, il comprend le sens des mots ; (4) comme il n’est guère attaché à la conduite du monde, son esprit ne s’implique pas dans des actions en [vue de] cette vie. (5) Grande est sa déférence : il offre au maître le service de son corps, de sa parole et de son esprit. (6) Il n’a guère de préjugés : il ne sera donc pas effrayé par les préceptes profonds ni par la conduite du mantra secret [= du tantrisme]. (7) Il aime n’avoir que peu de distractions ; il s’applique donc naturellement à la pratique des actions vertueuses, de sorte qu’il agit selon le Dharma pour son propre bien et celui d’autrui ; (8) comme il est capable de garder purs ses engagements de samaya, il ne connaîtra que peu de fautes et de chutes, ou [même] aucune. (9) Comme il a la capacité d’assiduité dans la pratique, il obtiendra bientôt les accomplissements ; (10) comme il est stable, il ne changera pas d’avis en ce qui concerne le Dharma ; (11) comme sa compassion est grande, il sera utile aux migrants. (12) Comme il est fort généreux, il réjouit le maître et les dâkinî. (13) Comme sa série psychique est disciplinée, ses passions décroissent naturellement. (14) Comme il s’abstient de pécher, il n’est point souillé par les résultats du mûrissement [des fautes antérieures]. (15) Comme ses facultés sont aiguës, il connaît la distinction entre ce qui est Dharma et ce qui ne l’est pas ; (16) comme il sait garder le secret, il ne sera pas châtié [par les divinités protectrices du dharma]. (17) Comme il n’est pas inconstant, il ne déviera pas du Dharma ; (18) et puisque son renoncement est grand, il n’a guère d’attentes impatientes. (19) Comme il est extrêmement ferme et brave, des signes de ses accomplissements se manifesteront.
S’il se trouve un tel [disciple] qualifié, il est le réceptacle adapté au profond dharma du mantrayâna ; aussi ce réceptacle propice devrait-il être gratifié des profondes instructions de [la tradition] du mantra secret.
De plus, selon le [Tantra de] l’Intelligence qui se donne le jour :
“[Ce disciple qualifié a] une foi puissante et un grand courage,
Un grand discernement et point d’attachement,
Un grand respect et, en ce qui concerne la conduite tantrique,
Nul préjugé ; point de distraction en son esprit ;
[il est] doué de samaya et consacre de grands efforts à la pratique.”
Ainsi a-t-il une grande foi et un grand courage ; il place dans le mantra secret sa confiance, et ses efforts dans la pratique. Comme il n’a guère d’attachement et peu de préjugés, il est magnanime et se complaît dans la générosité.
À ceux qui sont dotés de ces caractéristiques du réceptacle [convenable], d’un tel discernement et d’une telle dévotion, qui gardent leurs vœux et leurs engagements tantriques, il est permis de conférer [ce] secret ultime ; il convient qu’on leur expose cette incomparable essence du cœur du Dharma.
Selon le même [texte, le Tantra de l’Intelligence qui se donne le jour] :
“Il est permis de conférer [à un tel disciple ce] secret ultime ; dispense [lui]
L’essence du cœur ; ce présent [contribuera à] la diffusion [de cet enseignement] ;
Pieux, doué de discernement, de compassion et de générosité,
Stable, courageux dans sa pratique, [gardant le] samaya et bien versé de l’Ecriture,
D’esprit ouvert, capable de garder un secret, d’une intelligence aiguë,
Point hypocrite, percevant [les choses] purement, ayant confiance en [son] maître,
N’ayant guère de vues erronées, [mais] très ferme et courageux,
Obéissant aux ordres du maître, dégoûté [du samsâra], doté de la pensée de l’Eveil,
S’il se trouve un tel disciple, donne-lui ton entière permission [à l’égard de ce] Dharma.”
Si les instructions n’étaient pas conférées à un tel disciple supérieur, le profond trésor de l’esprit serait vain ; la continuité de la transmission textuelle et de la transmission de l’enseignement oral sombrerait, ce qui contrarierait les divinités (yi-dam) et les dâkinî. Ce serait [tomber dans] la déchéance [consistant à] mépriser les besoins des migrants ; cela occasionnerait donc des fautes, telles que faillir [à l’égard du] mahâyâna.
Selon le [texte] précédent, [le Tantra de l’Intelligence qui se donne le jour] :
“Si l’on n’enseigne point à celui-là [le Dzogchen], quoique l’on eusse pu lui conférer,
Le précieux trésor du Dharma sombrera, hélas !
Si on ne l’enseigne pas quand le moment est venu,
S’ensuivra la chute [qui consiste à] détruire ce qui est utile aux migrants, hélas !”
Si l’on n’est pas au nombre de ceux [qui sont doués] de ces qualités, alors on est appelé un mauvais réceptacle, défectueux et vulgaire.
Selon la Sphère de clarté (Klong-gsal) :
“Le disciple qui n’est pas un réceptacle convenable
N’a guère d’intelligence, [mais il est] hypocrite et impudent ;
Il a la langue bien pendue, [mais il est] avare, foncièrement trompeur ;
Il contrevient aux commandements du maître, et il cherche querelle [à ceux qui sont] bienveillants [à son égard].
Incapable de voir les qualités, il aperçoit les défauts ;
Son caractère est aussi ignoble que ses origines ;
Ingrat, plein de jactance,
Inconstant dans l’observance des vœux et samaya,
Le disciple mal examiné est pour le maître un ennemi .”
N’exposez donc pas les préceptes qui font mûrir et libèrent à de tels disciples défectueux.
Selon le [texte] précédent, [le Tantra de l’Intelligence qui se donne le jour] :
“À des individus qui ne pratiquent pas,
Il ne faut ni [conférer] la consécration de la grande complétude,
Ni enseigner les préceptes absolus .”
En particulier, parmi ces réceptacles impropres, ne donnez pas les préceptes à ceux qui, ne les pratiquant pas, ne se soucient que des buts de cette vie ; [à des individus] de désir, qui se complaisent dans l’accumulation des livres. [Des choses] comme la confrontation qui ne se transmet qu’à un seul disciple (ngo-sprod gcig rgyud) ou le cycle scellé [qui ne se] confie [qu’à un seul] (gtad rgya’i skor) sont secrètes ; leur nom même ne devrait pas être prononcé [devant de tels êtres vulgaires].
Comme il est dit :
“Examine les réceptacles et les lieux,
Et cache l’accès aux préceptes à ceux qui ne pratiquent pas, [mais] accumulent les textes [et] sont avides,
À ceux qui sont attachés à cette vie.”
Si vous ne soustrayez pas [cet enseignement] à l’attention des réceptacles inadéquats, c’est ce [que l’on appelle] divulguer les instructions ; [à cause de cela], les bénédictions décroîtront et finalement [vous] irez en enfer.
Selon la Sphère de clarté :
“Si ce nectar, substance excessivement secrète,
Etait versé dans de mauvais vases,
Le récipient se briserait, le contenu serait gâché, [et le maître et le disciple] iraient [tous deux] en enfer.”
De plus, si cette essence la plus intime (snying-tig) [de la] grande complétude était exposée à des disciples non qualifiés, ni le maître, ni le disciple n’obtiendraient d’accomplissements ; ils tomberaient dans la surestimation et la sous-estimation, et à l’occasion de [tels] manquements graves aux commandements des dâkinî, diverses [situations] incorrectes se produiraient.
Comme l’a dit le maître [Padmasambhava] :
“Si [tu l’] enseignes à des [individus] non qualifiés,
[Tu] seras en infraction avec les ordres des dâkinî, hélas !
Il n’y aura point d’accomplissements, mais de la surestimation et de la sous-estimation se produiront.”
N’enseignez donc pas même un mot de ce profond enseignement grandement secret à un disciple qui ne serait pas doué des qualités [requises].
Deuxième chapitre : les caractéristiques des lieux de méditation
Deuxièmement, en ce qui concerne les caractéristiques des lieux de méditation, il est important de chercher un
lieu doté des caractéristiques [adéquates] pour un tel disciple qualifié pour la méditation des instructions de cette voie.“[Il] pratiquera au sommet des montagnes, dans des charniers, des lieux reculés,
Dans des endroits lumineux et élevés.”
Les pics montagneux [sont] des lieux singuliers en ce sens qu’ils dissipent la torpeur ; ils
confèrent à la conscience de la clarté. [Dans] les contrées désertes, comme il n’y a pas de distractions, la pratique de la vertu prospère ; [dans] les grands cimetières, comme l’agitation s’amenuise, le renoncement se développe grandement. Dans tous les lieux retirés, où les distractions externes et internes sont à un très haut degré pacifiées, la pratique se développe d’une manière florissante.
Qu’entend-on par “lieux singulièrement clairs et élevés” ? Les sommets de montagnes élevées et abruptes (zengs-nge yod-pa). Si tu pratique sur [les faces] sud ou est de montagnes peu élevées, l’Elément et l’Intelligence deviendront manifestement clairs.
Selon la Sphère de clarté :
“Les régions désertes, les lieux enneigés, les pics montagneux, les charniers,
Les lieux très retirés, lumineux et élevés,
Sont les endroits où le [disciple] qualifié devrait pratiquer.”
Cela est donc nécessaire dans la mesure où dans des régions enneigées, l’Intelligence (rig-pa) est limpide, et parce qu’au sommet des montagnes elle est claire. Si donc tu trouves un tel lieu, il te faudra y pratiquer, car [alors] les expériences et les compréhensions de pratique se développeront spontanément, et tu obtiendras promptement l’Éveil. Selon la Sphère de clarté, “la contemplation prospérera et la stabilité sera rapidement atteinte.”
En ce qui concerne les défauts des autres lieux, dans des lieux incorrects, différents de [ceux que l’on vient d’énumérer], même en pratiquant, tu n’obtiendrais pas les accomplissements ; il ne serait pas possible que ceux-ci se manifestent. Selon le précédent [tantra], “celui qui est dépourvu d’un lieu aux caractéristiques convenables tombera sous le joug des circonstances.”
Troisième chapitre : les points-clefs du temps
Définissons [maintenant] les points-clefs du temps ; [tel est le] troisième [point à traiter]. Une fois que l’on aura trouvé un tel lieu particulier, il importera [en effet] d’examiner les points-clefs des temps, [afin de savoir] quand pratiquer la méditation.
Selon la Sphère de clarté :
“Comme il y a des moments spécifiques pour la confrontation [à la nature de l’Intelligence],
L’avisé s’enquerra des points-clefs du temps.”
Ainsi, pour présenter aux commençants les moments où [ils devront] renforcer leur pratique, [disons que] la fin du printemps, la fin de l’été, le début de l’automne et la première partie de l’hiver sont des saisons [appropriées] pour la pratique, dans la mesure où le ciel y est limpide, sans [gros] nuages [noirs], sans tourbillons atmosphériques, ni nuées, ni vents, ni grêle. Pour celui à qui l’on aura présenté ces moments [particuliers], quand il pratiquera, les signes de l’Elément et de l’Intelligence seront d’une éminente clarté.
En ce qui concerne plus particulièrement le moment où l’on reçoit la confrontation du thögal, cela se fera avec une clarté singulière aux deux moments radieux .
Selon la Sphère de clarté :
“[Soit] en été, en automne, en hiver ou au printemps,
Il est dit que les deux moments radieux sont suprêmes.”
Aussi les deux moments où le soleil commence à se lever le matin et quand le soir il se couche sont bons, car les visions qui se feront jour [y] seront d’une éclatante clarté et fort étendues.
[Pour ce qui est du] moment de la pratique continuelle, en automne il sera aisé à la méditation de prospérer, puisque [c’est la saison où] mûrissent les fruits. Comme en automne la constitution vitale (khams) mûrit et que le suc se condense dans les fruits, c’est avec facilité que l’on comprendra la Vérité (don). Comme en hiver s’équilibrent le chaud et le froid, l’on est bienheureux et le désir [vient] de méditer. Au printemps, comme les feuillages s’épanouissent, les qualités se développent. Si donc la confrontation est conférée à ces moments-là, elle s’opérera promptement et les qualités de la pratique se développeront rapidement. Comme il est dit dans la Sphère de clarté, “la confrontation sera prompte et les expériences visionnaires proliféreront.”
Quels seraient les défauts de moments autres que ceux-ci ? — Si [l’on tentait de pratiquer] hors de ces moments-là, les qualités de la pratique n’apparaîtraient point.
Selon la Sphère de clarté :
“Si le sage n’enseignait pas les points-clefs essentiels,
L’essence serait bloquée et il n’y aurait aucun développement des expériences.”
Chapitre quatrième : les compagnons de pratique
Quatrièmement, quelles sont les caractéristiques des compagnons de pratique ? Quand, ayant de la sorte réuni
temps et lieux propices, on commencera [à méditer selon] les instructions, les plus doués s’engageront seuls dans la pratique, sans compagnons, à l’exemple du lion qui ne dépend point du secours de
camarades. Les [pratiquants] moyens auront recours à des compagnons, mais, ayant mis un terme au bavardage futile et aux nombreuses visites faites à des proches, tels des chevreuils blessés, ils
s’isoleront.Si tu n’as pas la capacité de pratiquer seul, sans l’aide d’un camarade, si tu as besoin d’un ami pour te soutenir, et si, alors, tu te demandes comment [choisir] un tel compagnon, voici [comment] procéder à l’examen de ses caractéristiques.
Il doit avoir un samaya pur et développer une vision pure ; [ses] passions ne doivent pas être violentes, mais grand son discernement ; il faut qu’il soit stable, avec peu d’espoirs [mondains], l’esprit naturellement ouvert, pas agressif, patient, un ami intime, toujours constant.
Selon la Sphère de clarté,
“Associe-toi avec un ami cher, doté d’un samaya pur et d’une vaste vision pure,
[dont] les cinq poisons sont faibles, d’esprit ouvert et patient.”
Quels bienfaits y a-t-il à se lier à un tel camarade ? Du point de vue circonstanciel (gnas skabs), comme tu appliqueras tes efforts à la méditation, tu seras doté de Dharma ; du point de vue ultime, cela aura l’avantage [de permettre] l’accomplissement de l’Éveil.
Selon le [texte] précédent, “grâce à l’ami supérieur et saint, [on] est doté de Dharma et l’on obtient l’Éveil.”
Mais si tu t’associais avec un compagnon défectueux, à l’opposé [de celui qui vient d’être évoqué], ce serait un grand obstacle dans [ta] pratique, qu’il convient de rejeter au loin, comme [s’il s’agissait de] poison ou d’une maladie contagieuse. Comme le dit la Sphère de clarté, “rejette les amis agréables qui doivent devenir [cause de] souffrance.”
Aussi cet enseignement relatif aux caractéristiques des camarades [de pratique] est-il, pour les débutants, d’une importance insigne.
Chapitre cinquième : l’équipement
Quant aux particularités de l’équipement [requis] pour la pratique, quand on a d’abord entendu ce profond Dharma, alors [il faut] méditer ; et en quelque temps que l’on pratique, il faut avoir assemblé tous les choses [utiles comme] conditions propices (rten-’brel) .
Selon la Sphère de clarté,
“Comme elles sont la voie de la méthode du mantra secret,
Rassemble toutes choses [requises comme] conditions propices.”
Les choses fondamentales sont les substances d’accomplissement du mantra secret, tels les cinq viandes et les cinq nectars. Les choses aimables sont les offrandes du festin [rituel] (ganacakra) et les ingrédients pour les tormas (gtor-ma), les sacrements de la consécration (dbang gi yon-tan) et le précieux mandala d’offrande. Les choses symboliques sont la couronne de la consécration, ainsi que le vajra, la clochette, et ainsi de suite. Les choses propices sont les remèdes pour soigner la constitution [corporelle en cas de] maladie, et les substances profondément fastes pour restaurer cette constitution. Les choses vitales sont la nourriture et le vêtement, nécessaires pour soutenir la constitution corporelle, sans tomber dans les deux extrêmes.
Donc, en bref, rassemble toutes les choses utiles à l’accomplissement de l’Éveil.
Selon la Sphère de clarté,
“Les fleurs d’offrande, les sacrements pour la consécration, les sacrements de la consécration, les [ingrédients] pour les tormas (gtor-ma) et pour le ganacakra,
Ce qui confère à la constitution corporelle de la stabilité lors de la pratique
— Sois muni de tout l’équipement propice.”
Ainsi est-il nécessaire de rassembler toutes [ces] choses en vue de l’obtention de tous les accomplissements [liés] aux instructions, et en vue de mener la pratique à son aboutissement. Comme le dit le même [texte] : “Les accomplissements viendront à ceux qui seront dotés de tout l’équipement [requis].”
Or si ce matériel utile n’est pas rassemblé, cela tournera en entrave (gegs) et obstacle (bar-chad) à [la pratique de] la Religion. Selon le [tantra] précédent, “sans les substances [requises comme] conditions favorables, les accomplissements, s’effaçant, seront perdus.”
Chapitre sixième : l’histoire commune et extraordinaire de ce Dharma
Sixièmement, en guise d’introduction aux instructions sur ce qu’il faut méditer et de quelle manière, [nous
allons] présenter l’histoire commune et extraordinaire de ce Dharma.D’une manière générale, notre maître, l’Éveillé, développa d’abord l’esprit d’Éveil, puis assembla les accumulations [de mérite et de discernement]. Finalement, il obtint la bodhi ; puis il enseigna à ses disciples le dharma des trois véhicules. Dans le mahâyâna lui-même, il y a d’une part les sûtra et d’autre part les mantra ; les mantra [se subdivisent en] extérieurs et intérieurs. [L’Éveillé] enseigna les trois [catégories] de tantra intérieurs : mahâ, anu et ati. Parmi les trois [parties] de l’ati, [à savoir] la rubrique de l’Esprit , la rubrique de la Sphère et celle des Instructions, le dharma des instructions se distingue [par sa supériorité]. Lui-même compte [quatre] rubriques de Dharma : l’externe, l’interne, la secrète et l’archiacroamatique - insurpassable ; de celles-ci, [la quatrième], incomparable est [la section] archiacroamatique insurpassable.
Dans cette [dernière section], il y a encore la tradition orale ininterrompue (bka’-ma) et la tradition des trésors cachés (gter-ma), etc. ; d’une manière générale, ce Dharma diffère de toute autre présentation du bouddhisme, dans la mesure où, puisqu’il relève de la transmission plus proche des enseignements des trésors cachés, il est cent fois plus chargé de grâce même que les [enseignements de la catégorie] archiacroamatique insurpassable qui [se trouvent dans] la tradition orale ininterrompue (bka’-ma). Dans cette [catégorie] elle-même, il y a [encore] la section du Dharma profond et celle du Dharma vaste.
Voici [l’enseignement où] les points-clefs [tant] du profond [que] du vaste se combinent, le profond Dharma qu’en leur cœur se rappellent (brnag) les trois maîtres vidyâdhara, l’essence cardinale du tout de la grande complétude ; l’abrégé des points essentiels de toutes les instructions cruciales, qui condense la substance de tous les enseignements ; les préceptes qui confrontent directement à l’Éveil, la vérité (don) profonde qui permet de se soustraire à la mort au moment du trépas ; l’essence des points-clefs, qui détermine ce qu’est la connaissance principielle ; c’est une escorte pour nous sauver [des périls] de l’étroit défilé de l’état intermédiaire qui suit la mort. Cette essence du cœur de tous les profonds Dharma révélés par Rigdzin Gödemchen contient des myriades de grandes qualités des plus raffinées, et il constitue La transparence de l’Idée de Samantabhadra.
Il est divisé en dix-huit enseignements ordinaires, dix-huit enseignements extraordinaires et trois grands tantra, [soit] trente-neuf groupes d’enseignements , dont tous les membres sont [exposés] dans nos (’di) six transmissions orales.
Il est donc nécessaire qu’un maître érudit, qui présente à son disciple les instructions de cette voie, lui conte [d’une part] la merveilleuse histoire de la supériorité de ce Dharma sur tout autre (ce que dont je me suis acquitté par ailleurs ), et [d’autre part] les détails de la lignée de transmission, commençant avec les biographies de Rigdzin Gödem, de son fils et de son disciple , et ainsi de suite.
Comme il est dit dans la Sphère de clarté, “puisque telle est la pure source de la transmission proche et profonde,
Relate toutes (rim-par) [les vies des maîtres] depuis Samantabhadra.”
Ainsi [l’histoire de la lignée] doit-elle être racontée, car [cela donnera] confiance [au disciple] et [par là lui] amènera la grâce.
Selon les Embrassades du soleil et de la lune :
“Comme la [lignée de] transmission est d’une singulière éminence,
Et profonds les préceptes, la certitude naîtra [dans l’esprit du disciple].”
Si cette histoire [propre à engendrer] la confiance [de l’auditeur] n’était point rapportée, [le disciple,] dans l’ignorance des points-clefs [selon lesquels] ces préceptes doivent [être considérés comme] profonds ou non, n’en recevrait pas les bénédictions ; et ce serait là un inconvénient.
Selon le [tantra] précédent :
“Si tu ne racontais pas véritablement (don gyis) l’histoire [de la lignée et si tu n’expliquais pas en quoi consiste la supériorité de cet enseignement],
Il y aurait là un défaut, dans la mesure où la foi ne naîtrait point [au cœur du disciple]
À l’égard de cet enseignement fort secret et [d’un sens] certain.”